DES RACINES ET DES AILES

"A l'heure de snap,instagram, des photos et des vidéos à outrances,il est important de lire et un peu d'histoire à lire pendant cette trêve estivale ne fait pas de mal."

C'est une histoire de sacrifice fait par des joueurs au détriment d'une carrière qui aurait pu être plus lucrative, plus glorieuse. Tout ça par amour d'un pays qui n'existait pas encore. Leur combat dépasse l'histoire du sport, ça fait partie de l'histoire tout court de l'Algérie.


Pour replacer les choses dans leur contexte, il faut savoir que dès le début du 20e siècle, le football a pris son essor en Afrique du Nord. Les « indigènes » commencent progressivement à fonder des sociétés sportives autonomes à partir des années 1920.

Certains clubs français en profitent, car, selon la législation en vigueur à l’époque, ils ne peuvent dépasser le seuil établi à deux joueurs issus de l'empire colonial. Mais le cas de l’Algérie est à part, car il s’agit d’un département et non d’une colonie au sens classique. Du moins d’un point de vue légal. Les clubs ne se gênent pas pour puiser dans ce vivier de jeunes joueurs talentueux et peu onéreux, pour qui le football est une Voie lactée permettant d’échapper à un quotidien des plus sombres.
Bientôt, des transferts se produisent sur les rives de la méditerranée. Et c’est l’avènement d’une nouvelle génération de joueurs algériens qui mêlent le talent naturel et inné aux acquis issus de la stricte et rigoureuse formation française. Le meilleur des deux mondes.En 1954, la guerre pour l’indépendance de l’Algérie éclate. Le FLN cherche rapidement à faire connaître la lutte à l’international afin d’alerter la communauté internationale sur les exactions de la France. Après la victoire de l’armée française lors de la bataille d’Alger, il fallait que le FLN fasse un coup. C’est pourquoi ils vont recruter les meilleurs joueurs algériens évoluant en France, notamment en équipe nationale.A quelques semaines de la Coupe du Monde de 1958 en Suède, de nombreux joueurs vont quitter le pays. La France finira troisième de la Coupe du Monde sans ses stars algériennes. Raymond Kopa, attaquant du Real Madrid à l’époque, estimait que ce résultait était dû à l’absence du jeune Mekhloufi.Ce sont des super-stars qui quittent le pays clandestinement, comme Abdelaziz Ben Tifour, Mustapha Zitouni (tous les deux de l’AS Monaco) ou encore Rachid Mekhloufi (de l’ASSE).Mekhloufi expliquait que dans ces moments « on ne peut pas réfléchir et on ne doit pas réfléchir point final », « c’est le cœur qui parle ». Dans un premier temps, ce sont dix joueurs qui rejoignent l’équipe algérienne secrètement, en train ou en voiture, par la Suisse ou l’Italie pour rejoindre Tunis.

En rejoignant l’équipe algérienne du Front de Libération Nationale (FLN), ces joueurs ont rejoint la lutte pour la libération du peuple algérien.Mekhloufi ne se fait alors pas d’illusion.ll savait qu’en quittant l’équipe de France, c’en était fini de sa carrière à l’AS Saint-Étienne. Désormais, c’était la lutte pour l’indépendance quitte à tout perdre.

La FFF en colére

Les autorités françaises ne restent pas sans rien faire.La Ligue de football et la Fédération française vont très vite s’organiser pour suspendre les contrats des joueurs.La FIFA, quant à elle, a tout fait pour contrecarrer l’équipe du FLN. Non seulement en ne reconnaissant pas l’équipe mais en allant même jusqu’à menacer de pénaliser les équipes qui accepteraient de jouer contre elle. Ainsi les égyptiens ont refusé de jouer contre l’équipe du FLN par peur d’être suspendus. De fait, ce sont les équipes qui n’étaient à l’époque pas affiliées à la FIFA qui participèrent aux matchs. Principalement des équipes affiliées au bloc de l’Est, au demeurant. Ces matchs en Pologne, en URSS, en Chine, au Vietnam, font alors connaître la cause algérienne et la guerre d’indépendance à travers le monde.

Mekhloufi la pépite

Mekhloufi remporte le championnat du monde militaire en 1957 à Buenos Aires avec l’équipe de France. La même année, il est sacré champion de France avec l’AS Saint-Etienne. Après l’indépendance, l’équipe du FLN se dissout pour laisser la place à l’équipe nationale algérienne. Il fera partie de cette nouvelle sélection. Il revient à l’ASSE après un passage au Servette de Genève. Il est accueilli avec une ferveur impressionnante. Il remportera encore 3 titres de champion de France avec les Verts en 1964, 1967 et 1968. Cette même année, il réussit avec son équipe le doublé en remportant la Coupe de France, dix ans après avoir quitté clandestinement le pays. Comme un symbole, il inscrit 2 buts. Menés au score 1 à 0 par Bordeaux, Mekhloufi égalise d’une superbe reprise de volée pour les Verts. Il marquera un penalty à la 78ème minute.

"Qu'est-ce qu'un fleuve sans sa source ? Qu'est-ce qu'un peuple sans son passé" Victor Hugo 

Nos derniers articles