Ça ne pouvait pas tomber plus mal. À deux mois de la Coupe du monde au Qatar, lors de laquelle l'équipe de France remettra son titre en jeu, l'ambiance autour des Bleus n'est pas au beau fixe. À la médiatique affaire Pogba, qui a éclaboussé indirectement les champions du monde, a succédé l'enquête au vitriol du magazine So Foot sur de présumés graves dysfonctionnements au sein de la Fédération française (FFF), dont le comportement problématique prêté à son président Noël Le Graët. "Ce n'est pas le climat le plus apaisé que j'ai pu connaître", a reconnu, jeudi 15 septembre, le sélectionneur Didier Deschamps, lors de l'annonce de sa liste, la dernière avant celle très attendue pour le Mondial qatari, début novembre.
C'est dans ce contexte pesant que le patron de la "3F" a été invité, officiellement, à "un moment d'échange" au ministère des Sports, vendredi 16 septembre. Sollicités par Amélie Oudéa-Castéra, le dirigeant de 80 ans et sa directrice générale Florence Hardouin ont évoqué durant l'entrevue "différents sujets" (supportérisme, transition énergétique, Qatar...). Mais, huit jours après la parution de l'enquête, la ministre attendait aussi des explications sur les soupçons de harcèlement. "Je ne les reçois pas pour prendre le thé, je ne les reçois pas pour m'entendre dire que tout va bien. Je les reçois car j'ai besoin d'écouter ce qu’ils ont à me dire", avait-elle déclaré au Parisien. "Je ne minimise rien de ce qui a été restitué par So Foot."
Dans son numéro #199, sorti en kiosques le 8 septembre dernier, So Foot propose un dossier explosif de six pages. Six pages dans lesquels le mensuel fait état de plusieurs graves dysfonctionnements (harcèlement sexuel, surconsommation d'alcool, guerre de clans et tensions internes...) au sein de la "3F". Un homme est plus particulièrement visé : Noël Le Graët, mis en cause pour son supposé comportement répréhensible à l'encontre de collaboratrices actuelles ou passées. "C'est bien simple, il saute sur tout ce qui bouge", témoigne, sous couvert d'anonymat, une ex-employée de l'instance tricolore.
La longue enquête du mensuel, intitulée "Ma Fédé va craquer", s'appuie notamment sur trois extraits de SMS graveleux, à caractère sexuel, non datés, qu'auraient envoyé l'ancien président de l'EA Guingamp : "Venez chez moi pour dîner ce soir", "je préfère les blondes, donc si ça vous dit", "vous êtes drôlement bien roulée, je vous mettrais bien dans mon lit".
Alors que le machisme et la drague lourde auraient été "élevées au rang d'art" au sein de la FFF, explique So Foot, plusieurs collaboratrices, se sentant "harcelées sexuellement, mais aussi moralement" auraient démissionné ces dernières années.
Des accusations fortes qui ont été suivies, dans un premier temps, d'un silence assourdissant. De la FFF, bien sûr, et des politiques, plus prompts à commenter "la blague de mauvais goût" sur le char à voile de Christophe Galtier, l'entraîneur du PSG. La première réaction, laconique, de l'exécutif n'est intervenue qu'après deux jours. Interrogée le 10 septembre, en marge d'un événement organisé à Paris par l'association Golden Blocks, la ministre des Sports a botté en touche. "Pas de commentaire là-dessus, ce n'est pas l'objet", a rétorqué Amélie Oudéa-Castéra, refusant de s'étaler publiquement sur le sujet.
Des gants que l'UNFP, l'Union nationale des joueurs professionnels, n'a pas pris, le 13 septembre, accusant la "3F" de "manquer à ses obligations, à son devoir d'exemplarité, qui est de protéger ses salariés et, plus largement, l'ensemble de ses licenciés, dont les joueurs évidemment". " Lorsque des faits de harcèlement sont avérés, d'autant plus s'ils sont jugés et condamnés, il appartient alors à la Fédération de prononcer des sanctions suffisamment exemplaires", a-t-il pesté le syndicat, déplorant "son silence, parfois son mépris pour les victimes et l'impunité assurée et assumée pour certains coupables qui bafouent ses devoirs et sa mission", ainsi que son inaction face aux "derniers et nombreux cas de harcèlement avérés".
Le même jour, une rumeur s'est répandue comme une traînée de poudre : la démission à venir de Noël Le Graët du poste, auquel il a été élu en 2011. Une confidence qu'aurait fait le Breton, lui-même, à des présidents de district. Un on-dit auquel il a tordu le cou dans une interview à L'Equipe "Je n'ai jamais dit cela, ceux qui l'ont répété ont mal compris, je n'ai pas tout du l'intention d'arrêter", a-t-il affirmé, confirmant son intention de "rester jusqu'à la fin de (son) mandat" en 2024.
"Si ma santé reste stable, si je vais bien, il n'y a absolument aucune raison que j'arrête. Je suis très bien çà mon poste et tout le monde m'aime bien. J'ai la chance d'être apprécié", a-t-il assuré, avant de refuser de commenter l'enquête de So Foot. "Je ne souhaite pas parler de cela", a indiqué l'ancien maire de Guingamp, laissant au Comité exécutif de la FFF la charge de réagir. "On verra si ce sujet est évoqué." Et cela a été le cas. À l'issue d'une réunion du Comex, jeudi 15 septembre, une plainte en diffamation à été déposée"contre le magazine So Foot en raison des imputations gravement diffamatoires" de l'article.
Finalement, huit jours après les révélations de So Foot, Amélie Oudéa-Castéra s'est entretenue, vendredi 16 septembre, à l'heure du petit-déjeuner avec Noël Le Graët et sa directrice générale Florence Hardouin. Un rendez-vous à l'issue duquel aucun des participants ne s'est exprimé. C'est par un communiqué du ministère des Sports que la décision de lancer "une mission d'audit et de contrôle sur le pilotage de la Fédération et le respect des obligations qui s'y attachent" a été annoncée.
Au cours de cette entrevue, "Noël Le Graët s'est engagé à transmettre à cette mission, dans la plus complète transparence, tous les rapports produits dans la période récente sur la FFF et notamment ceux ayant trait à sa gouvernance et à son management", est-il rapporté. "La ministre a rappelé qu'il était impératif que la FFF poursuive ses activités dans le respect absolu de tous les salariés, quel que soit leur niveau hiérarchique, et en veillant activement à la prévention et à la lutte contre toutes les formes de discriminations et de violences, notamment sexistes et sexuelles", a ajouté le ministère, qui conclut son texte par un rappel à l'ordre. "Plus encore que les autres, la FFF (...) a un devoir d'exemplarité en matière d'éthique et d’intégrité sportive et sociétale. Le Président a indiqué en avoir pleinement conscience, et vouloir renforcer les initiatives engagées en ce sens."
source Y.R TF1 INFO