ITW - Benjamin Mazel, tout pour l'attaque

C'est un véritable ovni dans le milieu amateur. A seulement 25 ans, Benjamin Mazel dirige l'équipe fanion du 1er Canton. Mais il détone aussi par sa philosophie de jeu, ses concepts. Entretien avec un coach pour qui le football est un jeu, au sens noble du terme.

 

Benjamin, pouvez-vous nous expliquer votre parcours ?

J'ai commencé aux Caillols, puis je suis parti à la Blancarde avant de revenir en U15 aux Caillols. Je suis allé à Vivaux avant de finir mon parcours de jeunes à Cassis-Carnoux. Et en séniors, j'ai végété à l'EUGA puis à Rousset.

Comment êtes vous devenu entraineur ?

Pour l'anecdote, je rentrais du Canada, j'avais 19 ans, j'étais au chômage et un jour mon père en avait marre de me voir me lever à midi et m'a dit "quitte à ne rien faire, passe tes diplômes d'entraineur". Il a appelé la Blancarde, qui cherchait un entraineur pour ses U15. En échange, le club me payait mes diplômes. Je me suis aussi occupé des débutants avec Romain Arca (mon tuteur au Brevet d'Etat) et c'est comme ça que tout à commencer.

La passion est tout de suite arrivée ?

J'avais commencé à 14 ans avec mon père, mais tant que j'étais joueur, ça me plaisait moyennement. Là, c'était mon équipe, les enfants me l'ont bien rendu. Dans la même saison, j'ai réussi à passer les trois premiers diplômes puis j'ai été accepté pour passer le Brevet d'Etat.

C'est allé très vite pour vous…

Pendant que je passais mes diplômes, j'ai rencontré le président du FC Rousset qui m'a proposé un contrat pour la saison suivante. J'ai été responsable de toute la formation, j'ai eu les U17. Ça m'a plus que formé. Ça m'a demandé des remises en question, mais aussi à réfléchir comment faire grandir le club, qui n'avait pas beaucoup de moyens chez les jeunes.

Et les séniors dans tout ça ?

C'est Lionel Charbonnier, le coach d'Istres qui m'a ouvert les yeux. J'étais en stage avec lui et il m'a dit que si je voulais devenir entraineur, il fallait que je gère une équipe séniors. Je suis allé voir mon président, il m'a proposé la réserve en PHB avec Karim Zouaoui. Ça n'a duré que trois mois, on s'est séparé et j'ai atterri à Trets en U17 pour finir la saison. C'est là que le président du 1er Canton me contacte pour être entraineur aux côtés de Romain Munoz.

"En créant des vagues, la défense adverse va finir par craquer"

L'entente entre vous a été bonne ?

Oui on s'est bien entendu, c'est un super coach et un excellent préparateur physique. Malheureusement, quand il est parti, je me suis retrouvé seul à 24 ans. On partageait pas mal de points communs sur la vision du football. Même si la mienne est un peu spéciale.

Justement, quelle est votre vision du football ?

Je joue tout pour l'attaque. On m'a souvent dit que pour attaquer, il fallait d'abord avoir une bonne défense. Moi je pense l'inverse. Je pense que le plus important est de savoir marquer des buts, c'est aussi le plus dur. Et logiquement, si je marque un but de plus que l'adversaire, ça veut dire que j'en ai pris un de moins. C'est là qu'avec Romain Munoz on n'était pas toujours d'accord. Lui préférait gagner 1-0, moi ce serait plutôt 9-8.

Vous travaillez beaucoup là-dessus à l'entrainement ?

Tout passe par le jeu et par des situations. Ce sont aux joueurs d'amener la folie offensive. Le but est d'arriver à leur faire comprendre certains principes de jeu. Pour prendre un exemple, tous les espaces doivent être occupés. Je me fous que ce soit le latéral ou l'ailier qui le prenne. Le but est que ce qui est fait soit efficace pour l'équipe.

Vous avez des concepts forts ?

Dans mes idées, le but n'est pas d'aller presser haut, mais de presser là où le ballon est perdu. Je veux limiter le temps de possession de l'adversaire. Quand on voit le Barça à une époque, ça gardait le ballon pendant dix minutes. Moi j'ai envie qu'on crée à chaque fois qu'on a le ballon. Il faut que ça se termine par une frappe. En créant des vagues, la défense adverse va finir par craquer.

Est-ce difficile à mettre en place avec des amateurs ?

Pas du tout. Au contraire, les joueurs adhèrent très vite. Le plus dur est de leur faire comprendre que dès que le ballon est perdu, il faut vite réagir. Parce que derrière, on prend des vagues et qu'on doit remonter beaucoup plus de terrain.

Des coachs vous ont inspirés ?

Guardiola est un peu comme ça, mais c'est dur de dire que je m'en inspire car je ne l'ai pas côtoyé. Je m'inspire beaucoup plus des gens que je côtoie au quotidien.

Vous trouvez que dans le milieu, on est un peu trop conservateur ?

Je ne sais pas, mais je pense que pendant des années, la fédération avait une volonté assez défensive. La nouvelle génération essaye de changer ça. Je vois que Benjamin Pastor, à Rousset, préconise le jeu offensif. Je pense que les jeunes entraineurs ont envie de produire du spectacle.

Vous avez envie de prendre du plaisir en voyant jouer votre équipe ?

C'est totalement ça. J'estime que l'entrainement, c'est mon moment. C'est moi le patron. Le dimanche, les patrons ce sont les joueurs.

Ce n'est pas frustrant comme situation ? Certains coachs aiment tout contrôler…

Moi non. Le dimanche on ne peut pas contrôler tous les facteurs, ce sont aux joueurs de le faire. Le dimanche me sert d'argument pour les séances futures. Le match est la récompense du travail. Je sais que j'ai affaire à des hommes et c'est à eux d'assumer le dimanche.

Vous êtes jeune, cela a été difficile pour s'imposer dans le vestiaire ?

Un petit peu. Quand on part en déplacement, on m'a souvent pris pour un joueur. J'en rigole. Je ne suis pas quelqu'un qui gueule, je n'ai pas une grosse autorité, on me l'a parfois reproché. Je ne pense pas que l'autorité existe, je parlerai plutôt de respect, du moins en séniors. Les joueurs ont vu que j'étais crédible quand je parlais et le respect s'est instauré comme ça.

"Tant que les résultats auront plus d'importances que le travail effectué ou le jeu produit, on aura du mal à changer les mentalités"

Quels sont vos objectifs pour la suite ?

J'ai envie d'aller voir plus haut bien sûr. Mais c'est à moi de montrer de quoi je suis capable pour qu'on m'appelle. Je n'ai pas d'objectifs précis, ni de limites.

Mais vous avez une philosophie bien précise, vous sortez des standards, ça peut faire peur à certains présidents ?

Paul Bertrand le président du 1er Canton n'a pas eu peur. Il a envie que son équipe joue au ballon, que les gens se régalent. Il est jeune aussi, ç'a peut-être joué en ma faveur. Mais le club a toujours eu la volonté de jouer et je correspondais bien à l'esprit du club.

Vous sentez que la nouvelle génération a vraiment envie de bousculer les codes ?

Chacun voit le foot à sa manière. Je pense que la nouvelle génération est fougueuse, a envie de prendre du plaisir, de prendre des risques. Mais tant que les résultats auront plus d'importances que le travail effectué ou le jeu produit, on aura du mal à changer les mentalités. Parce que les présidents de club, eux, veulent gagner, quelque soit la manière.

Dans cette optique, le passage de Bielsa à l'OM a ouvert les yeux sur une certaine idée du football ?

Je le pense. Lors de certaines missions que je fais avec le district sur les plateaux débutants, je vois beaucoup de jeunes éducateurs qui s'inspirent de ce monsieur. C'est dur de penser que Bielsa soit complètement fou. Il est cohérent et va au bout de ses idées. Il veut que son équipe attaque, quelque soit le moment du match. C'est une philosophie que j'avais avant qu'il n'arrive et c'est bien de montrer que même au haut niveau, on peut penser comme ça.

J.O

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